Déclaration de Salvador
3 Décembre 1993
Préambule
En 1993, dans le monde entier, des enfants, des femmes et des
hommes vivent dans des conditions précaires ou indignes
du niveau de développement des pays où ils résident
. Cest un devoir pour les États dy remédier.
La réhabilitation des quartiers où se concentre
la pauvreté fait partie des tâches urgentes.
Cest un droit pour les habitants dêtre associés
à lélaboration, à la réalisation,
au suivi et à lévaluation de cette réhabilitation
Nous, élus nationaux et locaux, responsables administratifs,
représentants des habitants, experts, convaincus de ces devoirs
et de ces droits, venus de dix sept pays, de quatre continents,
nous sommes réunis du 29 novembre au 3 décembre 1993
à Salvador de Bahia, au Brésil.
Il y a deux ans exactement, à Caracas au Venezuela, des
responsables politiques et administratifs des politiques de réhabilitation
des différentes régions du monde sétaient
réunis pour confronter leur expérience. Ils ont constaté
que les principes fondamentaux à respecter pour quune
politique publique soit efficace étaient partout les mêmes,
malgré les immenses différences de situation dun
pays à lautre. Ils ont dans la Déclaration de
Caracas énoncé ces principes.
Partageant leurs conclusions, convaincus que lénoncé
des principes doit saccompagner de la ferme détermination
de les appliquer, nous avons décidé à Salvador
de jeter les bases dune stratégie pour la mise en oeuvre
de ces principes. Nous signataires de la Déclaration nous
engageons à y contribuer.
Nous constatons dans tous nos pays, riches ou pauvres, lexistence
de zones urbaines dégradées : quartiers spontanés,
vieux quartiers au centre des villes, quartiers dhabitat social
déprécié.
Longtemps certains ont pu croire que cétait une situation
temporaire que le développement économique suffirait
à résorber. Il nen est rien. Des quartiers concentrent
lexclusion sociale parce que nos formes actuelles de développement
engendrent ou laissent subsister une exclusion permanente. Les principes
monétaristes qui gouvernent la politique internationale renforcent
cette tendance.
Ces quartiers, ces poches de pauvreté existeront pendant
longtemps. Il faut donc concevoir une politique ambitieuse, à
long terme, de promotion humaine de leurs habitants et de transformation
de leurs conditions de vie, dans le respect de leurs droits, de
leur dignité et de leurs capacités.
Une telle politique de réhabilitation doit sinscrire
dans une politique densemble, comprenant un développement
du monde rural et des petites villes pour ralentir la concentration
de la population dans les grandes métropoles, et une politique
urbaine assurant la venue dans de bonnes conditions de populations
nouvelles. Elle doit aussi, par la manière dont elle est
financée et conduite, participer à la construction
dun monde plus équitable et plus responsable.
Concevoir et mener cette politique de réhabilitation est
le devoir conjoint de la communauté internationale, des états
et des collectivités locales.
Nous affirmons que cette politique doit à tous les niveaux
de sa conception et de son exécution, satisfaire aux six
principes quénonce la Déclaration de Caracas.
1. Reconnaître les dynamiques à luvre
dans les quartiers pauvres ; sappuyer sur elles et sefforcer
de les renforcer.
2. Donner plus de sécurité aux habitants, sengager
à ne pas les chasser de leurs lieux de vie.
3. Admettre que la démocratie représentative ne suffit
pas à elle seule à faire entendre les aspirations
de certaines catégories de population -enfants, femmes, étrangers,
réfugiés, personnes âgées- ; trouver
les moyens que ces aspirations soient entendues et prises en compte.
4. Réformer laction publique à tous les niveaux
pour quelle soit réellement capable dinventer,
avec la population des quartiers, les solutions les plus adaptées
à chaque cas et de mettre en oeuvre une politique intégrée,
associant tous les aspects de la vie individuelle et collective.
5. Subordonner la politique menée aux rythmes sociaux réels
des quartiers et de leurs habitants, depuis la résolution
des problèmes urgents jusquà la conduite des
stratégies à très long terme.
6. Mettre en place des systèmes de financement cohérents
avec les objectifs poursuivis.
Chaque quartier, chaque ville, chaque pays est unique. Pour sa
réhabilitation, il y a des principes communs à appliquer.
Mais il ny a pas, il ne doit pas y avoir de solution uniforme.
Il faut donc quà chaque niveau territorial, État,
Région, Collectivité de base :
- soient définis et mis en oeuvre les moyens de satisfaire
aux six principes énoncés ;
- soit organisé léchange dexpériences
entre habitants et entre professionnels, pour permettre à
chacun de senrichir de lexpérience des autres
;
- soient mis en place les moyens de suivi et dévaluation
publics et contradictoires de la politique conduite
Toute politique de réhabilitation doit associer activement
la population des quartiers et les organisations dont elle sest
dotée, à tous les stades de la conception, de la décision,
de la mise en oeuvre et de lévaluation.
Sil est bien que les pouvoirs publics reconnaissent quils
ne peuvent se substituer à la population, ils nont
pas le droit de se démettre de leur responsabilité
en chargeant indûment la population des quartiers déjà
défavorisés. Nous affirmons clairement que lÉtat
et les collectivités ont la responsabilité finale
de la solidarité, de la cohésion sociale, de la cohérence
urbaine, de la délivrance des services publics. Ils peuvent
déléguer contractuellement lexercice de telle
ou telle de leurs responsabilités. Ils ne peuvent sen
décharger.
Le devoir déquité et de solidarité
impose quaux différents niveaux de la puissance publique
-Fédération ou État, région, villes-
soient clairement chiffrés les moyens financiers nécessaires
pour que la réhabilitation soit à la hauteur des besoins
et que des engagements clairs soient pris pour assurer ces moyens
financiers.
La conduite de la politique de réhabilitation suppose une
bonne articulation entre les niveaux de responsabilité. Il
est souhaitable que les moyens de mise en pratique des six principes
de la Déclaration de Caracas soient conçus et mis
en oeuvre au plus près de la réalité des habitants
des quartiers concernés. Cest la garantie de leur participation
à la prise de décision et dune prise en compte
de la spécifité de chaque quartier.
Les niveaux décisionnels supérieurs ont de leur
côté le devoir:
- de mobiliser et de répartir des moyens financiers.
- de mettre à disposition des acteurs de terrain un cadre
juridique et institutionnel adéquat ;
- de veiller à lapplication des six principes énoncés
ci-dessus.
- de se substituer si besoin est aux collectivités de
base en cas de refus de leur part de conduire une politique de
réhabilitation.
- dassurer une évaluation permanente des résultats
obtenus.
- LÉtat, fédéral ou national, doit
avoir un rôle déterminant dimpulsion. Il doit
:
- mettre en place les moyens financiers nécessaires,
- fixer des règles claires, stables et publiques pour leur
répartition,
- créer les outils juridiques et institutionnels adaptés,
en veillant à ne pas les transformer en normes techniques
contraignantes,
- proposer des méthodes dapproche en sappuyant
sur lexpérience collective,
- faire connaître les innovations les plus prometteuses,
animer les réseaux professionnels,
- aider à léchange dexpériences
entre les représentants des quartiers,
- soutenir les échanges avec dautres pays et dautres
continents.
Pour parvenir à la mise en pratique des principes auxquels
nous croyons, nous estimons que les déclarations de Caracas
et de Salvador peuvent constituer un outil efficace, et pour cela
nous proposons :
1. aux Etats, aux collectivités locales, aux organismes
internationaux de marquer leur adhésion formelle à
ces déclarations, prenant par là même lengagement
de définir et de mettre en uvre les moyens effectifs
de satisfaire aux principes quelles énoncent, de participer
activement au réseaux nationaux et internationaux déchange
dexpérience, de se soumettre aux échéances
régulières dune procédure dévaluation
des résultats obtenus,
2. que soit assurée une diffusion large de ces deux déclarations,
en direction des collectivités locales, des habitants des
quartiers et des professionnels, avec des modalités de diffusion
et de discussion adaptés aux différents publics,
3. que les déclarations constituent un cadre de référence
régulier pour les sessions de formation,
4. quau niveau local elles servent de référence
pour les chartes de réhabilitation, définissant clairement
les procédures partenariales adoptées,
5. quelles constituent des critères de base pour lévaluation
publique des politiques mises en uvre aux différents
niveaux,
6. que soit soutenue limplantation de réseaux régionaux,
nationaux et internationaux déchange dexpériences
entre les représentants des habitants des quartiers dégradés,
premiers concernés et premiers experts pour les solutions
qui les concernent.
La rencontre de Salvador de Bahia a permis de confronter lexpérience
acquise dans nos différents pays pour la mise en uvre
des six principes de la Déclaration de Caracas. Le texte
qui suit na pas valeur de proposition universelle ; cest
un recueil didées, de pistes de réflexion, dexpériences,
qui complètent le travail mené il y a deux ans à
Caracas et est appelé à être enrichi maintenant
de façon continue par le réseau déchange
dexpériences.
1 Premier principe,
Apprendre à reconnaître, renforcer stimulerles dynamiques
des quartiers
1. Ne pas confondre connaissance des problèmes et reconnaissance
des habitants. Les études techniques, les diagnostics sont
utiles si ils sont également définis, pilotés
et partagés par les habitants. Faute de quoi, ils deviennent
non le support du dialogue entre la puissance publique et les habitants,
mais le moyen de définir des solutions à leur place.
2. Reconnaître les habitants, cest reconnaître
leur histoire et leur culture, reconnaître la valeur du quartier
et de sa forme spatiale, son inscription dans le long terme.
3. La dynamique des habitants sexprime souvent de façon
informelle ou hors des cadres juridiques habituels. Ces formes (par
exemple les multiples formes dentraide et déchanges
de services) doivent être reconnues, y compris au prix dun
changement de la loi si nécessaire.
4. Reconnaître les habitants commence par la reconnaissance
de leur travail : reconnaissance et valorisation du travail matériel
effectué sur les constructions et plus encore reconnaissance
de la valeur professionnelle des efforts faits pour la structuration
sociale de quartiers et la représentation des habitants.
5. Habiter le même quartier ce nest pas nécessairement
partager le même destin : reconnaître les habitants
cest aussi reconnaître leurs différences.
6. Dans certains cas, la population des quartiers a perdu confiance
en elle, en ses possibilités, en sa créativité.
Il faut pratiquer lapprentissage de la confiance retrouvée.Pour
quil y ait reconnaissance des quartiers, il faut quils
commencent par se reconnaître eux-mêmes. Une première
étape est tout simplement la construction de la parole et
la possibilité de la faire entendre.
7. La reconnaissance spécifique des aspirations et des dynamiques
des femmes et des jeunes est indispensable. En particulier les jeunes
aspirent à se sentir utiles ; ce peut être le point
de départ dune qualification sociale, dun apprentissage
de la citoyenneté.
8. Lidentité du quartier ce sont aussi les formes
dorganisation dont se sont dotés les habitants. Ces
formes dorganisation ne sont pas spontanées, elles
sont le fruit dun apprentissage culturel hérité
de lhistoire ou à acquérir maintenant. Dans
le second cas la durée doit être prise en compte.
2 Deuxième principe
Le renforcement du statut des habitants
Laffirmation au plan national, de la reconnaissance des quartiers
spontanés, et dune politique de réhabilitation
qui sengage à ne pas en déporter les habitants,
est un acte essentiel du renforcement de leur statut.
Le renforcement du statut ou, dans le cas des quartiers spontanés
ou illégaux, leur régularisation ne passe pas nécessairement
par lattribution aux occupants, des terres en pleine propriété.
Cette attribution souvent utile pour sa force symbolique et pour
sa capacité à intégrer le quartier dans la
ville, peut dans certains cas avoir des effets négatifs,
par exemple :
- le don de terres inconstructibles va à lencontre
dune volonté de planification urbaine à long
terme ;
- comme dans le cas des distributions de terres agricoles, on
risque dassister plus ou moins rapidement à une concentration
des terres dans des mains privées, les plus pauvres revendant
leur terrain ;
- la vente ou le don des terres peut inciter les collectivités
locales à transférer la responsabilité du
quartier aux seuls habitants ;
- le don de terres peut renforcer les attitudes clientèlistes
dans les relations entre élus locaux et habitants ;
- la propriété publique dune partie des terrains
est nécessaire pour conduire une politique de planification
urbaine ;
- larrivée de nouvelles familles dans un quartier
dont toutes les terres ont été distribuées
pose des problèmes insolubles.
Cela signifie que dans ce domaine aussi, il ny a pas de
solution miracle valable en tous temps et en tous lieux. Dailleurs
laspiration à la propriété individuelle
des terrains nest pas aussi intense dans tous les pays. Dans
certains cas, elle constitue la revendication principale, parce
que la légalisation de la propriété des terres
est indispensable pour disposer dun raccordement aux services
urbains -eau, électricité, boite aux lettres etc.-
ou est considéré comme le seul rempart fiable contre
lexpulsion.
De nombreuses autres formules intéressantes sont utilisées
pour consolider la position des habitants :
- propriété du terrain détenue conjointement
par lhomme et la femme ce qui consolide le noyau familial
;
- cession collective des sols à une unité de voisinage
; création de statuts de propriété particulière
;
- location à très long terme.
La discussion avec les habitants des modalités du renforcement
de leur statut doccupation est aussi importante que le choix
de ces modalités.
3 Troisième principe
Les aspirations et les intérêts des habitants
1. La volonté politique daffronter par une action
à long terme la précarité urbaine et dassurer
la promotion économique, sociale et humaine et la transformation
du cadre de vie des habitants des quartiers pauvres, ne peut jamais
être tenue pour acquise. Cette action est loin de correspondre
aux souhaits et aux intérêts de beaucoup délecteurs.
Cest pourquoi beaucoup de politiques généreuses
de développement intégré nexistent que
sur le papier ou sous forme dopérations expérimentales.
2. Les habitants des quartiers précaires ont en général
peu confiance dans le jeu politique et dans les politiciens. Cibles
de choix des politiques clientèlistes, ils sont fatigués
des promesses qui ne se réalisent jamais. La confiance dans
la puissance publique ne peut se construire sans un changement profond
dattitude des responsables politiques eux-mêmes : transparence
de gestion des fonds, promesses honorées, continuité
de laction, moyens donnés dévaluer lefficacité
de laction. La confiance, là aussi est le résultat
dun apprentissage.
3. Beaucoup délus croient que le fait davoir
été choisis comme représentants dune
population les qualifie pour interpréter les aspirations
de toute la population. Cest une illusion, à fortiori
quand ce sont les aspirations de femmes ou denfants en situation
précaire.
4. Pour entretenir la volonté politique dagir, la
meilleure solution est de renforcer par divers moyens la capacité
des habitants des quartiers dégradés à faire
entendre leur voix et à participer aux décisions qui
les concernent ou dont les conséquences les concernent. De
même la diffusion dactions réussies, de démarches
innovantes fait la démonstration quune action est possible
et canalise les aspirations et les volontés. Cest un
moyen efficace pour stimuler la volonté politique de conduire
la réhabilitation.
5. La pratique politique, les liens entre gouvernants et gouvernés,
lampleur des liens entre gouvernants avec des intérêts
économiques dominants, ou avec des intérêts
maffieux, les traditions de morale politique, varient considérablement
dun pays à lautre.
Lappui, y compris financier au développement des
organisations sociales des habitants, la recherche de nouvelles
formes dexpression collective là où les organisations
populaires traditionnelles ont décliné sont partout
de première importance.
6. Lémergence dune parole collective, dorganisations
sociales et de capacités de proposition au sein des habitants
nécessite souvent lappui de facilitateurs : organisations
professionnelles et universités. Il est essentiel que cet
appui soit fourni sur des bases claires, dans le cadre de rôles
clairement définis, faute de quoi les facilitateurs finissent
par usurper la parole et le projet des habitants et par parler et
agir en leur nom.
Pour léviter, il faut en priorité aider les
habitants des quartiers précaires ou dégradés
à sinformer, à se former (souvent ils ne connaissent
pas leurs droits et les possibilités que leur offre la loi),
à se rendre disponibles (ils sont rarement dédommagés
du temps consacré aux rencontres) ; aider à faire
émerger des dirigeants en leur sein, à confronter
leur expérience avec dautres, au niveau dune
ville, dune région, dun pays, du monde. Cest
sans doute entre les habitants eux-mêmes, entre les quartiers,
que léchange dexpérience est le plus nécessaire
et le plus urgent. Lappui des pouvoirs publics à la
formation de la population et à léchange dexpérience,
le soutien au fonctionnement des organisations qui naissent au sein
de la population, la recherche de formes adaptées pour mettre
en débat public les options et les actions, constituent un
test essentiel de la volonté des pouvoirs publics.
7. La marginalisation est un cercle vicieux. Les marginalités
sociale, économique, urbaine se renforcent mutuellement.
Les habitants des quartiers précaires ou dégradés
se sentent marqués socialement et ce sentiment ne les incite
pas à se sentir citoyens à part entière. Une
politique de réhabilitation, en contribuant à restaurer
une fierté, peut faire naître, au contraire une spirale
positive, incitant les habitants à construire leur parole
et à formuler leurs projets. Elle peut aussi inciter les
citoyens à mieux faire valoir leurs intérêts
par leur vote.
8. Lexpression directe des habitants, lémergence
de dirigeants en leur sein ne doit pas non plus être idéalisée.
Lécueil est bien celui de voir ces dirigeants, appelés
à négocier avec de nouveaux partenaires, se débrancher
de leur base et se faire happer par le jeu politique traditionnel
; il faut alors tout recommencer. Est-ce évitable?
9. Dans le dialogue entre habitants des quartiers et pouvoirs
publics, il est utile parfois de disposer de lieux neutres où
les dialogues puissent se nouer, en dehors de rapports directs de
négociation et de pouvoir.
10. La construction de la parole passe par celle de la construction
de la mémoire. Les organismes dappui à la population
ont là un domaine daction privilègiée
permettant aux organsations populaires de capitaliser et de diffuser
leur propre expérience.
11. Des formules diverses et intéressantes existent pour
élargir la participation des habitants aux décisions
qui les concernent : constitution de comités économiques
et sociaux locaux où femmes et jeunes puissent être
mieux représentés que dans les assemblées élues
; organisation de débats publics ; prise de décisions
concernant directement la population. Ces formes démocratiques
nouvelles bousculent les habitudes acquises et compliquent
la prise de décision. Là aussi, des apprentissages
sont à créer. Mais il faut prendre garde aux désillusions
que fait naître un débat ouvert lorsquil ny
a aucune traduction concrète des perspectives ouvertes.
12. Lapprentissage de la confiance, et la possibilité
dune négociation sur des politiques de réhabilitations
à long terme présuppose lexistence de pouvoirs
et de services locaux structurés, assurés dune
certaine continuité, capables de prendre des engagements
contractuels à long terme. Ce nest pas le cas partout.
4 Quatrième principe
Réformer laction publique
1. Laction publique est indispensable à tous les
niveaux. Les initiatives privées (ONG, associations) sont
très utiles, mais elles ne sauraient se substituer au rôle
des pouvoirs publics. Seule lintervention des états
nationaux ou fédéraux peut apporter des réponses
financières, juridiques, institutionnelles, à la hauteur
des enjeux globaux. Les pouvoir publics locaux sont responsables
de la conception et de la mise en uvre de modalités
concrètes adaptées aux réalités sociales
et physiques des quartiers.
2. Laction publique doit être réformée
pour :
relier laction sur le cadre bati, les services publics et
lappui à la promotion économique et sociale
des habitants
- construire des relations partenariales, contractuelles avec
les habitants
- conduire laction dans la durée ;
- rendre plus efficaces les mécanismes de décision
et de répartition de largent (beaucoup citent le
très faible rendement de la répartition de largent
venant de lEtat ou de la coopération internationale,
lessentiel se perdant par le coût de la bureaucratie,
par des détournements dobjectif ou de destination
ou nétant pas dépensé du fait de dysfonctionnements
graves de procédures) :
3. Les dispositifs doivent être simples. Les procédures
complexes de coordination inter-services ou inter-administratives
sont parfaites sur le papier, mais sont souvent contre-productives
: elles se réduisent souvent à un rituel vide, elles
dissuadent les initiatives, elles imposent des carcans normatifs
inutiles, parfois elles bloquent purement et simplement la machine.
Il faut privilégier :
- les contrats dobjectif amenant les opérateurs
à dire comment ils entendent mettre en uvre les objectifs
poursuivis plutôt que leur imposer davance et de façon
normative la façon de le faire,
- les outils de transparence et dévaluation publique,
- les lieux de concertation et les apprentissages de négociation
- la diffusion et la discussion dexpériences et
de méthodes constituant des références mais
non des modèles ou des procédures obligatoires ;
ainsi sapprennent progressivement des modes de faire.
4. Lenjeu majeur est finalement que soient sur le terrain
quotidien, de lurbanisme, du logement, de léducation,
de la santé, des services urbains, des professionnels compétents,
attachés aux objectifs poursuivis, capables de se conforter
mutuellement dans des métiers particulièrement difficiles.
Pour cela lexpérience prouve que le militantisme par
ailleurs indispensable ne suffit pas, quil suse au fil
des années. Il est donc indispensable de mettre en place
des dispositifs dappui aux professionnels, des lieux de connaissance,
de débat didées, de confrontation de méthodes,
de formation, de capitalisation des expériences. Lappui
de la recherche, de lUniversité doivent permettre dintroduire
dans ces lieux un regard plus distancié. Il est nécessaire
de faire émerger ainsi une parole et une expertise technique
au sens large du terme. Cest ainsi quon développera
progressivement une ingénierie institutionnelle, financière
et technique, capable dinventer des solutions adaptées
à chaque situation.
5 Cinquième principe
Articuler les rythmes administratifs et politiques avec les rythmes
sociaux.
1. Les quartiers et les villes sont, tout comme les humains des
organismes vivants, des systèmes bio-socio-techniques complexes.
Lêtre humain est régit par un ensemble de rythmes
cycliques qui vont de quelques secondes au jour, au mois ou à
lannée. Ces rythmes peuvent sadapter aux événements
extérieurs, mais ils doivent être globalement respectés.
A ces rythmes biologiques correspondent de nombreux rites sociaux.
De la même manière, un quartier a ses rythmes, ses
rites et ses temps, ils en font la richesse et loriginalité.
Ces rythmes doivent être respectés, mais ils peuvent
être utilement pris en compte pour permettre ladaptation
du quartier aux mutations de lenvironnement et aux politiques
qui lui sont appliquées.
2. Dans la pratique, il savère souvent difficile
dinfléchir les systèmes et les rythmes administratifs
et politiques. Cest surtout au niveau local quune synthèse
entre les différents rythmes, administratifs et politiques
peut être valablement réalisée, dans le cadre
de la réalisation dun projet.
Lénoncé clair des responsabilités locales
dans la construction des projets et leur mise en uvre doit
permettre darticuler rythmes administratifs et rythmes sociaux,
y compris quand les financements nationaux sont importants.
3. La prise en compte des rythmes de la vie des quartiers par
les rythmes administratifs est facilitée quand sont définis
des critères et des modalités simples et transparents
pour le financement des politiques et des projets.
6 Sixième principe
Mettre en place des dispositifs de financement cohérents
avec les objectifs poursuivis.
1. Une part significative du financement doit provenir du niveau
national et manifester :
- la nécessaire solidarité nationale face aux phénomènes
dexclusion,
- la cohérence des moyens financiers engagés avec
lampleur des défis.
Il est recommandé que cela sexprime par un engagement
ferme et à long terme du gouvernement sur la part du revenu
national consacré à la réhabilitation de quartiers
précaires ou dégradés.
2. Limportance des enjeux, limpact de louverture
internationale sur le développements des pays, appellent
lexpression de la solidarité internationale dans le
financement des politiques et des projets. Cette contribution des
organisations gouvernementales et non gouvernementales internationales
participe, par ailleurs, à garantir la continuité
des politiques et des projets
3. Pour chaque quartier il est nécessaire que les moyens
alloués par la collectivité nationale ou locale, à
la réhabilitation soit une somme globale permettant une grande
souplesse daffectation à un domaine daction ou
à un autre.
4. Cette somme globale doit pouvoir se transformer en produits
financiers différenciés :
- pour pouvoir financer selon des modalités différentes
le foncier, les infrastructures, les services urbains, lamélioration
des logements, lanimation du processus, lorganisation
des habitants et léchange dexpérience,
laction économique,
- pour pouvoir combiner différemment selon les domaines
investissement public et investissement privé, des familles
ou dagents économiques.
- pour créer des produits différenciés selon
les urgences à court terme ou les actions à très
long terme.
Léchange international dexpériences
entre professionnels devrait porter essentiellement sur cette ingénierie
financière tant les formules possibles sont diverses.
5. Les critères dallocation des fonds publics doivent
impérativement être :
- simples,
- transparents,
- soumis à évaluation périodique
- Ils doivent être cohérents avec la philosophie
densemble et reposer principalement :
- sur la démonstration quont été mis
en place au niveau local un dispositif et un projet permettant
le respect des six principes de la Déclaration de Caracas,
- sur les principes du développement soutenable, prenant
en compte les rapports entre les hommes, les rapports entre les
hommes et leur milieu et la sauvegarde des intérêts
des générations futures,
- sur des encouragement à lautoorganisation.
6. Lexpérience prouve que dans les politiques de
promotion humaine de réhabilitation et de développement
local, largent prêté est dautant mieux
remboursé que la population connaît lusage qui
sera fait des sommes remboursées. Cest ce qui donne
tout leur intérêt aux fonds de roulement qui se réinvestissent
dans des objets analogues.
7. Des mécanismes de contrôle social des sommes allouées
à la réhabilitation sous toutes ses formes doivent
être mis en place.
8. Dans les calculs économiques et le financement des programmes,
lapport en travail des habitants, pour lamélioration
du logement, la réalisation de services collectifs et la
conduite même des processus de réhabilitation doit
être explicitement prise en compte.
9. Le droit au crédit, cest à dire à
la confiance est un droit essentiel pour lutter contre lexclusion.
Les banques commerciales classiques sont en général
mal outillées pour consentir des crédits à
une population qui noffre guère de garanties. Doù
limportance de mettre en place des banques solidaires dont
les principes de fonctionnement et les garanties exigées
soient compatibles avec les caractéristiques de la population
concernée. Lexpérience internationale montre
que cest possible et que ça marche.
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