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Déclaration de Salvador

3 Décembre 1993

Préambule

En 1993, dans le monde entier, des enfants, des femmes et des hommes vivent dans des conditions précaires ou indignes du niveau de développement des pays où ils résident . C’est un devoir pour les États d’y remédier.

La réhabilitation des quartiers où se concentre la pauvreté fait partie des tâches urgentes.

C’est un droit pour les habitants d’être associés à l’élaboration, à la réalisation, au suivi et à l’évaluation de cette réhabilitation

Nous, élus nationaux et locaux, responsables administratifs, représentants des habitants, experts, convaincus de ces devoirs et de ces droits, venus de dix sept pays, de quatre continents, nous sommes réunis du 29 novembre au 3 décembre 1993 à Salvador de Bahia, au Brésil.

Il y a deux ans exactement, à Caracas au Venezuela, des responsables politiques et administratifs des politiques de réhabilitation des différentes régions du monde s’étaient réunis pour confronter leur expérience. Ils ont constaté que les principes fondamentaux à respecter pour qu’une politique publique soit efficace étaient partout les mêmes, malgré les immenses différences de situation d’un pays à l’autre. Ils ont dans la Déclaration de Caracas énoncé ces principes.

Partageant leurs conclusions, convaincus que l’énoncé des principes doit s’accompagner de la ferme détermination de les appliquer, nous avons décidé à Salvador de jeter les bases d’une stratégie pour la mise en oeuvre de ces principes. Nous signataires de la Déclaration nous engageons à y contribuer.

Nous constatons dans tous nos pays, riches ou pauvres, l’existence de zones urbaines dégradées : quartiers spontanés, vieux quartiers au centre des villes, quartiers d’habitat social déprécié.

Longtemps certains ont pu croire que c’était une situation temporaire que le développement économique suffirait à résorber. Il n’en est rien. Des quartiers concentrent l’exclusion sociale parce que nos formes actuelles de développement engendrent ou laissent subsister une exclusion permanente. Les principes monétaristes qui gouvernent la politique internationale renforcent cette tendance.

Ces quartiers, ces poches de pauvreté existeront pendant longtemps. Il faut donc concevoir une politique ambitieuse, à long terme, de promotion humaine de leurs habitants et de transformation de leurs conditions de vie, dans le respect de leurs droits, de leur dignité et de leurs capacités.

Une telle politique de réhabilitation doit s’inscrire dans une politique d’ensemble, comprenant un développement du monde rural et des petites villes pour ralentir la concentration de la population dans les grandes métropoles, et une politique urbaine assurant la venue dans de bonnes conditions de populations nouvelles. Elle doit aussi, par la manière dont elle est financée et conduite, participer à la construction d’un monde plus équitable et plus responsable.

Concevoir et mener cette politique de réhabilitation est le devoir conjoint de la communauté internationale, des états et des collectivités locales.

Nous affirmons que cette politique doit à tous les niveaux de sa conception et de son exécution, satisfaire aux six principes qu’énonce la Déclaration de Caracas.

1. Reconnaître les dynamiques à l’œuvre dans les quartiers pauvres ; s’appuyer sur elles et s’efforcer de les renforcer.

2. Donner plus de sécurité aux habitants, s’engager à ne pas les chasser de leurs lieux de vie.

3. Admettre que la démocratie représentative ne suffit pas à elle seule à faire entendre les aspirations de certaines catégories de population -enfants, femmes, étrangers, réfugiés, personnes âgées- ; trouver les moyens que ces aspirations soient entendues et prises en compte.

4. Réformer l’action publique à tous les niveaux pour qu’elle soit réellement capable d’inventer, avec la population des quartiers, les solutions les plus adaptées à chaque cas et de mettre en oeuvre une politique intégrée, associant tous les aspects de la vie individuelle et collective.

5. Subordonner la politique menée aux rythmes sociaux réels des quartiers et de leurs habitants, depuis la résolution des problèmes urgents jusqu’à la conduite des stratégies à très long terme.

6. Mettre en place des systèmes de financement cohérents avec les objectifs poursuivis.

Chaque quartier, chaque ville, chaque pays est unique. Pour sa réhabilitation, il y a des principes communs à appliquer. Mais il n’y a pas, il ne doit pas y avoir de solution uniforme. Il faut donc qu’à chaque niveau territorial, État, Région, Collectivité de base :

  • soient définis et mis en oeuvre les moyens de satisfaire aux six principes énoncés ;
  • soit organisé l’échange d’expériences entre habitants et entre professionnels, pour permettre à chacun de s’enrichir de l’expérience des autres ;
  • soient mis en place les moyens de suivi et d’évaluation publics et contradictoires de la politique conduite

Toute politique de réhabilitation doit associer activement la population des quartiers et les organisations dont elle s’est dotée, à tous les stades de la conception, de la décision, de la mise en oeuvre et de l’évaluation.

S’il est bien que les pouvoirs publics reconnaissent qu’ils ne peuvent se substituer à la population, ils n’ont pas le droit de se démettre de leur responsabilité en chargeant indûment la population des quartiers déjà défavorisés. Nous affirmons clairement que l’État et les collectivités ont la responsabilité finale de la solidarité, de la cohésion sociale, de la cohérence urbaine, de la délivrance des services publics. Ils peuvent déléguer contractuellement l’exercice de telle ou telle de leurs responsabilités. Ils ne peuvent s’en décharger.

Le devoir d’équité et de solidarité impose qu’aux différents niveaux de la puissance publique -Fédération ou État, région, villes- soient clairement chiffrés les moyens financiers nécessaires pour que la réhabilitation soit à la hauteur des besoins et que des engagements clairs soient pris pour assurer ces moyens financiers.

La conduite de la politique de réhabilitation suppose une bonne articulation entre les niveaux de responsabilité. Il est souhaitable que les moyens de mise en pratique des six principes de la Déclaration de Caracas soient conçus et mis en oeuvre au plus près de la réalité des habitants des quartiers concernés. C’est la garantie de leur participation à la prise de décision et d’une prise en compte de la spécifité de chaque quartier.

Les niveaux décisionnels supérieurs ont de leur côté le devoir:

  • de mobiliser et de répartir des moyens financiers.
  • de mettre à disposition des acteurs de terrain un cadre juridique et institutionnel adéquat ;
  • de veiller à l’application des six principes énoncés ci-dessus.
  • de se substituer si besoin est aux collectivités de base en cas de refus de leur part de conduire une politique de réhabilitation.
  • d’assurer une évaluation permanente des résultats obtenus.
  • L’État, fédéral ou national, doit avoir un rôle déterminant d’impulsion. Il doit :
  • mettre en place les moyens financiers nécessaires,
  • fixer des règles claires, stables et publiques pour leur répartition,
  • créer les outils juridiques et institutionnels adaptés, en veillant à ne pas les transformer en normes techniques contraignantes,
  • proposer des méthodes d’approche en s’appuyant sur l’expérience collective,
  • faire connaître les innovations les plus prometteuses, animer les réseaux professionnels,
  • aider à l’échange d’expériences entre les représentants des quartiers,
  • soutenir les échanges avec d’autres pays et d’autres continents.

Pour parvenir à la mise en pratique des principes auxquels nous croyons, nous estimons que les déclarations de Caracas et de Salvador peuvent constituer un outil efficace, et pour cela nous proposons :

1. aux Etats, aux collectivités locales, aux organismes internationaux de marquer leur adhésion formelle à ces déclarations, prenant par là même l’engagement de définir et de mettre en œuvre les moyens effectifs de satisfaire aux principes qu’elles énoncent, de participer activement au réseaux nationaux et internationaux d’échange d’expérience, de se soumettre aux échéances régulières d’une procédure d’évaluation des résultats obtenus,

2. que soit assurée une diffusion large de ces deux déclarations, en direction des collectivités locales, des habitants des quartiers et des professionnels, avec des modalités de diffusion et de discussion adaptés aux différents publics,

3. que les déclarations constituent un cadre de référence régulier pour les sessions de formation,

4. qu’au niveau local elles servent de référence pour les chartes de réhabilitation, définissant clairement les procédures partenariales adoptées,

5. qu’elles constituent des critères de base pour l’évaluation publique des politiques mises en œuvre aux différents niveaux,

6. que soit soutenue l’implantation de réseaux régionaux, nationaux et internationaux d’échange d’expériences entre les représentants des habitants des quartiers dégradés, premiers concernés et premiers experts pour les solutions qui les concernent.

La rencontre de Salvador de Bahia a permis de confronter l’expérience acquise dans nos différents pays pour la mise en œuvre des six principes de la Déclaration de Caracas. Le texte qui suit n’a pas valeur de proposition universelle ; c’est un recueil d’idées, de pistes de réflexion, d’expériences, qui complètent le travail mené il y a deux ans à Caracas et est appelé à être enrichi maintenant de façon continue par le réseau d’échange d’expériences.

1 Premier principe,

Apprendre à reconnaître, renforcer stimulerles dynamiques des quartiers

1. Ne pas confondre connaissance des problèmes et reconnaissance des habitants. Les études techniques, les diagnostics sont utiles si ils sont également définis, pilotés et partagés par les habitants. Faute de quoi, ils deviennent non le support du dialogue entre la puissance publique et les habitants, mais le moyen de définir des solutions à leur place.

2. Reconnaître les habitants, c’est reconnaître leur histoire et leur culture, reconnaître la valeur du quartier et de sa forme spatiale, son inscription dans le long terme.

3. La dynamique des habitants s’exprime souvent de façon informelle ou hors des cadres juridiques habituels. Ces formes (par exemple les multiples formes d’entraide et d’échanges de services) doivent être reconnues, y compris au prix d’un changement de la loi si nécessaire.

4. Reconnaître les habitants commence par la reconnaissance de leur travail : reconnaissance et valorisation du travail matériel effectué sur les constructions et plus encore reconnaissance de la valeur professionnelle des efforts faits pour la structuration sociale de quartiers et la représentation des habitants.

5. Habiter le même quartier ce n’est pas nécessairement partager le même destin : reconnaître les habitants c’est aussi reconnaître leurs différences.

6. Dans certains cas, la population des quartiers a perdu confiance en elle, en ses possibilités, en sa créativité. Il faut pratiquer l’apprentissage de la confiance retrouvée.Pour qu’il y ait reconnaissance des quartiers, il faut qu’ils commencent par se reconnaître eux-mêmes. Une première étape est tout simplement la construction de la parole et la possibilité de la faire entendre.

7. La reconnaissance spécifique des aspirations et des dynamiques des femmes et des jeunes est indispensable. En particulier les jeunes aspirent à se sentir utiles ; ce peut être le point de départ d’une qualification sociale, d’un apprentissage de la citoyenneté.

8. L’identité du quartier ce sont aussi les formes d’organisation dont se sont dotés les habitants. Ces formes d’organisation ne sont pas spontanées, elles sont le fruit d’un apprentissage culturel hérité de l’histoire ou à acquérir maintenant. Dans le second cas la durée doit être prise en compte.

2 Deuxième principe

Le renforcement du statut des habitants

L’affirmation au plan national, de la reconnaissance des quartiers spontanés, et d’une politique de réhabilitation qui s’engage à ne pas en déporter les habitants, est un acte essentiel du renforcement de leur statut.

Le renforcement du statut ou, dans le cas des quartiers spontanés ou illégaux, leur régularisation ne passe pas nécessairement par l’attribution aux occupants, des terres en pleine propriété. Cette attribution souvent utile pour sa force symbolique et pour sa capacité à intégrer le quartier dans la ville, peut dans certains cas avoir des effets négatifs, par exemple :

  • le don de terres inconstructibles va à l’encontre d’une volonté de planification urbaine à long terme ;
  • comme dans le cas des distributions de terres agricoles, on risque d’assister plus ou moins rapidement à une concentration des terres dans des mains privées, les plus pauvres revendant leur terrain ;
  • la vente ou le don des terres peut inciter les collectivités locales à transférer la responsabilité du quartier aux seuls habitants ;
  • le don de terres peut renforcer les attitudes clientèlistes dans les relations entre élus locaux et habitants ;
  • la propriété publique d’une partie des terrains est nécessaire pour conduire une politique de planification urbaine ;
  • l’arrivée de nouvelles familles dans un quartier dont toutes les terres ont été distribuées pose des problèmes insolubles.

Cela signifie que dans ce domaine aussi, il n’y a pas de solution miracle valable en tous temps et en tous lieux. D’ailleurs l’aspiration à la propriété individuelle des terrains n’est pas aussi intense dans tous les pays. Dans certains cas, elle constitue la revendication principale, parce que la légalisation de la propriété des terres est indispensable pour disposer d’un raccordement aux services urbains -eau, électricité, boite aux lettres etc.- ou est considéré comme le seul rempart fiable contre l’expulsion.

De nombreuses autres formules intéressantes sont utilisées pour consolider la position des habitants :

  • propriété du terrain détenue conjointement par l’homme et la femme ce qui consolide le noyau familial ;
  • cession collective des sols à une unité de voisinage ; création de statuts de propriété particulière ;
  • location à très long terme.

La discussion avec les habitants des modalités du renforcement de leur statut d’occupation est aussi importante que le choix de ces modalités.

3 Troisième principe

Les aspirations et les intérêts des habitants

1. La volonté politique d’affronter par une action à long terme la précarité urbaine et d’assurer la promotion économique, sociale et humaine et la transformation du cadre de vie des habitants des quartiers pauvres, ne peut jamais être tenue pour acquise. Cette action est loin de correspondre aux souhaits et aux intérêts de beaucoup d’électeurs. C’est pourquoi beaucoup de politiques généreuses de développement intégré n’existent que sur le papier ou sous forme d’opérations expérimentales.

2. Les habitants des quartiers précaires ont en général peu confiance dans le jeu politique et dans les politiciens. Cibles de choix des politiques clientèlistes, ils sont fatigués des promesses qui ne se réalisent jamais. La confiance dans la puissance publique ne peut se construire sans un changement profond d’attitude des responsables politiques eux-mêmes : transparence de gestion des fonds, promesses honorées, continuité de l’action, moyens donnés d’évaluer l’efficacité de l’action. La confiance, là aussi est le résultat d’un apprentissage.

3. Beaucoup d’élus croient que le fait d’avoir été choisis comme représentants d’une population les qualifie pour interpréter les aspirations de toute la population. C’est une illusion, à fortiori quand ce sont les aspirations de femmes ou d’enfants en situation précaire.

4. Pour entretenir la volonté politique d’agir, la meilleure solution est de renforcer par divers moyens la capacité des habitants des quartiers dégradés à faire entendre leur voix et à participer aux décisions qui les concernent ou dont les conséquences les concernent. De même la diffusion d’actions réussies, de démarches innovantes fait la démonstration qu’une action est possible et canalise les aspirations et les volontés. C’est un moyen efficace pour stimuler la volonté politique de conduire la réhabilitation.

5. La pratique politique, les liens entre gouvernants et gouvernés, l’ampleur des liens entre gouvernants avec des intérêts économiques dominants, ou avec des intérêts maffieux, les traditions de morale politique, varient considérablement d’un pays à l’autre.

L’appui, y compris financier au développement des organisations sociales des habitants, la recherche de nouvelles formes d’expression collective là où les organisations populaires traditionnelles ont décliné sont partout de première importance.

6. L’émergence d’une parole collective, d’organisations sociales et de capacités de proposition au sein des habitants nécessite souvent l’appui de facilitateurs : organisations professionnelles et universités. Il est essentiel que cet appui soit fourni sur des bases claires, dans le cadre de rôles clairement définis, faute de quoi les facilitateurs finissent par usurper la parole et le projet des habitants et par parler et agir en leur nom.

Pour l’éviter, il faut en priorité aider les habitants des quartiers précaires ou dégradés à s’informer, à se former (souvent ils ne connaissent pas leurs droits et les possibilités que leur offre la loi), à se rendre disponibles (ils sont rarement dédommagés du temps consacré aux rencontres) ; aider à faire émerger des dirigeants en leur sein, à confronter leur expérience avec d’autres, au niveau d’une ville, d’une région, d’un pays, du monde. C’est sans doute entre les habitants eux-mêmes, entre les quartiers, que l’échange d’expérience est le plus nécessaire et le plus urgent. L’appui des pouvoirs publics à la formation de la population et à l’échange d’expérience, le soutien au fonctionnement des organisations qui naissent au sein de la population, la recherche de formes adaptées pour mettre en débat public les options et les actions, constituent un test essentiel de la volonté des pouvoirs publics.

7. La marginalisation est un cercle vicieux. Les marginalités sociale, économique, urbaine se renforcent mutuellement. Les habitants des quartiers précaires ou dégradés se sentent marqués socialement et ce sentiment ne les incite pas à se sentir citoyens à part entière. Une politique de réhabilitation, en contribuant à restaurer une fierté, peut faire naître, au contraire une spirale positive, incitant les habitants à construire leur parole et à formuler leurs projets. Elle peut aussi inciter les citoyens à mieux faire valoir leurs intérêts par leur vote.

8. L’expression directe des habitants, l’émergence de dirigeants en leur sein ne doit pas non plus être idéalisée. L’écueil est bien celui de voir ces dirigeants, appelés à négocier avec de nouveaux partenaires, se débrancher de leur base et se faire happer par le jeu politique traditionnel ; il faut alors tout recommencer. Est-ce évitable?

9. Dans le dialogue entre habitants des quartiers et pouvoirs publics, il est utile parfois de disposer de lieux neutres où les dialogues puissent se nouer, en dehors de rapports directs de négociation et de pouvoir.

10. La construction de la parole passe par celle de la construction de la mémoire. Les organismes d’appui à la population ont là un domaine d’action privilègiée permettant aux organsations populaires de capitaliser et de diffuser leur propre expérience.

11. Des formules diverses et intéressantes existent pour élargir la participation des habitants aux décisions qui les concernent : constitution de comités économiques et sociaux locaux où femmes et jeunes puissent être mieux représentés que dans les assemblées élues ; organisation de débats publics ; prise de décisions concernant directement la population. Ces formes démocratiques nouvelles bousculent les habitudes acquises et “compliquent” la prise de décision. Là aussi, des apprentissages sont à créer. Mais il faut prendre garde aux désillusions que fait naître un débat ouvert lorsqu’il n’y a aucune traduction concrète des perspectives ouvertes.

12. L’apprentissage de la confiance, et la possibilité d’une négociation sur des politiques de réhabilitations à long terme présuppose l’existence de pouvoirs et de services locaux structurés, assurés d’une certaine continuité, capables de prendre des engagements contractuels à long terme. Ce n’est pas le cas partout.

4 Quatrième principe

Réformer l’action publique

1. L’action publique est indispensable à tous les niveaux. Les initiatives privées (ONG, associations) sont très utiles, mais elles ne sauraient se substituer au rôle des pouvoirs publics. Seule l’intervention des états nationaux ou fédéraux peut apporter des réponses financières, juridiques, institutionnelles, à la hauteur des enjeux globaux. Les pouvoir publics locaux sont responsables de la conception et de la mise en œuvre de modalités concrètes adaptées aux réalités sociales et physiques des quartiers.

2. L’action publique doit être réformée pour :

relier l’action sur le cadre bati, les services publics et l’appui à la promotion économique et sociale des habitants

  • construire des relations partenariales, contractuelles avec les habitants
  • conduire l’action dans la durée ;
  • rendre plus efficaces les mécanismes de décision et de répartition de l’argent (beaucoup citent le très faible rendement de la répartition de l’argent venant de l’Etat ou de la coopération internationale, l’essentiel se perdant par le coût de la bureaucratie, par des détournements d’objectif ou de destination ou n’étant pas dépensé du fait de dysfonctionnements graves de procédures) :

3. Les dispositifs doivent être simples. Les procédures complexes de coordination inter-services ou inter-administratives sont parfaites sur le papier, mais sont souvent contre-productives : elles se réduisent souvent à un rituel vide, elles dissuadent les initiatives, elles imposent des carcans normatifs inutiles, parfois elles bloquent purement et simplement la machine. Il faut privilégier :

  • les contrats d’objectif amenant les opérateurs à dire comment ils entendent mettre en œuvre les objectifs poursuivis plutôt que leur imposer d’avance et de façon normative la façon de le faire,
  • les outils de transparence et d’évaluation publique,
  • les lieux de concertation et les apprentissages de négociation
  • la diffusion et la discussion d’expériences et de méthodes constituant des références mais non des modèles ou des procédures obligatoires ; ainsi s’apprennent progressivement des modes de faire.

4. L’enjeu majeur est finalement que soient sur le terrain quotidien, de l’urbanisme, du logement, de l’éducation, de la santé, des services urbains, des professionnels compétents, attachés aux objectifs poursuivis, capables de se conforter mutuellement dans des métiers particulièrement difficiles. Pour cela l’expérience prouve que le militantisme par ailleurs indispensable ne suffit pas, qu’il s’use au fil des années. Il est donc indispensable de mettre en place des dispositifs d’appui aux professionnels, des lieux de connaissance, de débat d’idées, de confrontation de méthodes, de formation, de capitalisation des expériences. L’appui de la recherche, de l’Université doivent permettre d’introduire dans ces lieux un regard plus distancié. Il est nécessaire de faire émerger ainsi une parole et une expertise technique au sens large du terme. C’est ainsi qu’on développera progressivement une ingénierie institutionnelle, financière et technique, capable d’inventer des solutions adaptées à chaque situation.

5 Cinquième principe

Articuler les rythmes administratifs et politiques avec les rythmes sociaux.

1. Les quartiers et les villes sont, tout comme les humains des organismes vivants, des systèmes bio-socio-techniques complexes.

L’être humain est régit par un ensemble de rythmes cycliques qui vont de quelques secondes au jour, au mois ou à l’année. Ces rythmes peuvent s’adapter aux événements extérieurs, mais ils doivent être globalement respectés. A ces rythmes biologiques correspondent de nombreux rites sociaux.

De la même manière, un quartier a ses rythmes, ses rites et ses temps, ils en font la richesse et l’originalité. Ces rythmes doivent être respectés, mais ils peuvent être utilement pris en compte pour permettre l’adaptation du quartier aux mutations de l’environnement et aux politiques qui lui sont appliquées.

2. Dans la pratique, il s’avère souvent difficile d’infléchir les systèmes et les rythmes administratifs et politiques. C’est surtout au niveau local qu’une synthèse entre les différents rythmes, administratifs et politiques peut être valablement réalisée, dans le cadre de la réalisation d’un projet.

L’énoncé clair des responsabilités locales dans la construction des projets et leur mise en œuvre doit permettre d’articuler rythmes administratifs et rythmes sociaux, y compris quand les financements nationaux sont importants.

3. La prise en compte des rythmes de la vie des quartiers par les rythmes administratifs est facilitée quand sont définis des critères et des modalités simples et transparents pour le financement des politiques et des projets.

6 Sixième principe

Mettre en place des dispositifs de financement cohérents avec les objectifs poursuivis.

1. Une part significative du financement doit provenir du niveau national et manifester :

  • la nécessaire solidarité nationale face aux phénomènes d’exclusion,
  • la cohérence des moyens financiers engagés avec l’ampleur des défis.

Il est recommandé que cela s’exprime par un engagement ferme et à long terme du gouvernement sur la part du revenu national consacré à la réhabilitation de quartiers précaires ou dégradés.

2. L’importance des enjeux, l’impact de l’ouverture internationale sur le développements des pays, appellent l’expression de la solidarité internationale dans le financement des politiques et des projets. Cette contribution des organisations gouvernementales et non gouvernementales internationales participe, par ailleurs, à garantir la continuité des politiques et des projets

3. Pour chaque quartier il est nécessaire que les moyens alloués par la collectivité nationale ou locale, à la réhabilitation soit une somme globale permettant une grande souplesse d’affectation à un domaine d’action ou à un autre.

4. Cette somme globale doit pouvoir se transformer en produits financiers différenciés :

  • pour pouvoir financer selon des modalités différentes le foncier, les infrastructures, les services urbains, l’amélioration des logements, l’animation du processus, l’organisation des habitants et l’échange d’expérience, l’action économique,
  • pour pouvoir combiner différemment selon les domaines investissement public et investissement privé, des familles ou d’agents économiques.
  • pour créer des produits différenciés selon les urgences à court terme ou les actions à très long terme.

L’échange international d’expériences entre professionnels devrait porter essentiellement sur cette ingénierie financière tant les formules possibles sont diverses.

5. Les critères d’allocation des fonds publics doivent impérativement être :

  • simples,
  • transparents,
  • soumis à évaluation périodique
  • Ils doivent être cohérents avec la philosophie d’ensemble et reposer principalement :
  • sur la démonstration qu’ont été mis en place au niveau local un dispositif et un projet permettant le respect des six principes de la Déclaration de Caracas,
  • sur les principes du développement soutenable, prenant en compte les rapports entre les hommes, les rapports entre les hommes et leur milieu et la sauvegarde des intérêts des générations futures,
  • sur des encouragement à l’autoorganisation.

6. L’expérience prouve que dans les politiques de promotion humaine de réhabilitation et de développement local, l’argent prêté est d’autant mieux remboursé que la population connaît l’usage qui sera fait des sommes remboursées. C’est ce qui donne tout leur intérêt aux fonds de roulement qui se réinvestissent dans des objets analogues.

7. Des mécanismes de contrôle social des sommes allouées à la réhabilitation sous toutes ses formes doivent être mis en place.

8. Dans les calculs économiques et le financement des programmes, l’apport en travail des habitants, pour l’amélioration du logement, la réalisation de services collectifs et la conduite même des processus de réhabilitation doit être explicitement prise en compte.

9. Le droit au crédit, c’est à dire à la confiance est un droit essentiel pour lutter contre l’exclusion. Les banques commerciales classiques sont en général mal outillées pour consentir des crédits à une population qui n’offre guère de garanties. D’où l’importance de mettre en place des banques solidaires dont les principes de fonctionnement et les garanties exigées soient compatibles avec les caractéristiques de la population concernée. L’expérience internationale montre que c’est possible et que ça marche.

 

 
 

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