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"PAROLE DES HABITANTS"
A ISTANBUL

(texte adopté par le Forum des Habitants, lors du sommet mondial Habitat II)

Nous habitants d’Amérique Latine, d’Afrique et d’Europe, nous sommes réunis en "Forum des Habitants" à Istanbul, en avant première du sommet mondial des villes "Habitat II". Cet échange d’expérience nous a rendus plus forts et plus sûrs de nous. Il nous a aussi permis de nous mettre d’accord sur un certain nombre d’idées et de revendications exprimées ci-après.

Ce résultat suffit à démontrer l’aberration qu’il y a à organiser un sommet mondial sur l’habitat... sans habitants, alors que les villes n’existent que par et pour leurs habitants. Pourtant les institutions présentes à ce sommet se sont peu préoccupées d’y associer les habitants, préférant sans doute parler en leur nom.

"Les habitants ont leur propre parole, pourquoi ne pas les écouter"

Reconnaissance, dignité, fierté

"Nous battre et progresser nous a permis de retrouver la fierté, la parole, la citoyenneté, face à ceux qui nous ignorent".

Tout homme, toute femme, tout groupe de base, mérite considération et reconnaissance. Souvent pourtant, l’habitant est contraint de gagner cette dignité par la force de son action et de sa parole face à des décideurs qui l’ignorent, le méprisent ou l’évitent.

Les habitants ont une expérience de vie qui a valeur de savoir, et un savoir-faire qui doit être pris en compte par les autorités.Logement pour tous

"Nous le peuple on ne peut habiter ni dans le ciel ni dans la mer ; on a le droit à être et à rester sur terre".

Toute collectivité doit donc garantir aux hommes et femmes qui la composent le droit à avoir un toit, un espace privé, stable et protégé. Ce droit peut naître d’un titre de propriété ou d’occupation en bonne et due forme. Il peut également être fondé sur l’usage durable qui confère une légitimité à vivre sur sa terre ou dans son logement, et dans son quartier.

Exercice de la citoyenneté et pouvoir des citoyens

"Revendiquer ne suffit pas, il faut proposer, être capable de se mettre d’accord et de se faire entendre et agir".

Les habitants doivent donc apprendre les règles du jeu, se former pour savoir rentrer en contact, se mettre en position de véritable négociateur, vis-à-vis de ceux qui décident. Encore faut-il qu’ils puissent disposer de toute l’information dont ils sont besoin, sous une forme qui puisse être comprise par le plus grand nombre, et pas seulement par les experts. Ils doivent aussi pouvoir trouver des lieux et des occasions pour se rencontrer et se regrouper. La citoyenneté se construit dans la durée en respectant le rythme des habitants. Les actions collectives des habitants ont d’autant plus de chances d’aboutir que ceux-ci reçoivent des appuis.

"Nous aussi nous avons besoin de soutiens et d’amis, pas d’intermédiaires qui nous confisquent la parole"

Il est légitime et souhaitable que certains, forts de leurs expériences, s’engagent dans les institutions ou dans l’action politique. Il est alors indispensable que d’autres habitants "vierges" viennent immédiatement les remplacer, pour maintenir la pression.Partenariat et complémentarité

"On ne met pas en question l’existence des autorités, on attend simplement qu’ils jouent leur rôle de décideurs pour que l’on puisse jouer notre rôle de citoyens actifs. On préfère moins de promesses, mais des promesses vraiment tenues".

Ce qui est désespérant pour des habitants citoyens c’est de se trouver face à des responsables qui se dérobent ou renvoient les responsabilités à d’autres.

"Est-ce que cela vaut la peine de vivre et de se battre ainsi sans jamais avoir de réponse ?"

L’action collective et la ténacité semblent les moyens les plus sûrs pour les citoyens d’être partie prenante des décisions, pour vaincre l’inertie, voire les stratégies négatives de certains décideurs.

"C’est terrible de se battre contre des ennemis qui ne laissent jamais voir leurs visages. En cas d’atteinte grave, d’autres habitants, d’autres autorités doivent pouvoir exercer un droit d’ingérence pour protéger ceux qui sont en danger".

La pire chose pour des habitants est de subir des pressions de toutes sortes, jusqu’à se trouver menacés dans leur vie, alors même qu’ils poursuivent leur action dans un cadre légal.

Droit, information et solidarité doivent toujours être privilégiés pour résister à la violence.

"Les habitants apprennent les règles du jeu alors que parfois leurs partenaires ne respectent pas ces règles qu’ils ont eux-mêmes élaborées ou les changent brusquement".

Le partenariat avec les autorités et les pouvoirs publics est souvent difficile à construire. La représentation démocratique est souvent décevante. Les changements politiques sont souvent assortis de remise en cause des projets engagés ; il faut alors tout recommencer. Le risque de récupération, au seul profit des intermédiaires existe réellement.

"Je trouve mon courage dans mon désir d’être citoyenne à part entière"

Tout habitant est citoyen à part entière et a vocation à ce titre à participer à l’élaboration de la décision.

"Seul un contrat clair avec nos partenaires peut nous garantir".

Pour être durables et stables, les règles et les modalités du partenariat doivent être négociées clairement et justement entre autorités et habitants. Elles doivent être décrites et consolidées par l’élaboration d’un "cahier des charges" signé par les parties et diffusé largement. Celui-ci doit comprendre un dispositif associant les habitants, pour contrôler la mise en oeuvre de ce contrat.APPEL

"Nous habitants de tous les coins du monde, rassemblés à Istanbul,

Attendons des gouvernements et des bailleurs de fonds (Banque Mondiale, Bureau International du Travail, Fonds Monétaire International...) qu’ils tiennent compte dans leurs accords des problèmes de développement, de logement et d’emploi à tous les niveaux et dans tous les pays.

Appelons tous les Etats à faire cesser toute forme de pression, de mépris ou de violence contre les habitants et les membres de leurs organisations impliquées dans les luttes pour les droits, la citoyenneté, l’accès à la terre et au logement.

Décidons de nous organiser en un réseau international ouvert sans exclusive aux habitants du monde entier, et de développer notre action autour de trois axes, pour la mise en oeuvre desquels nous attendons de ces autorités publiques et de la communauté internationale l’aide qui nous est indispensable :

  • Faire circuler l’information sur les expériences.
  • Se rencontrer régulièrement pour échanger et se renforcer mutuellement.
  • Mettre en place un dispositif de veille et d’alerte qui s’assurera du suivi par les états et les autorités locales des décisions et des engagements pris à Istanbul par l’ONU et donnera l’alerte en cas de violation grave des droits essentiels des habitants.

Nous attendons de la communauté internationale; et notamment de l’ONU; qu’elle valide ces principes, en assure la reconnaissance, facilite leur diffusion et leur mise en oeuvre".

 

 
 

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